Rencontre avec Jack Arthaud, ancien directeur général de l’établissement public foncier et d’aménagement de la Guyane, et actuel DG de l’EPA de Saint-Étienne
L’Ajibat en pré-Guyane… dans un café parisien du 14e arrondissement le 5 novembre 2018 dès 8h.
La question foncière et les contraintes liées aux normes sont au cœur des problèmes d’aménagement et de construction de la Guyane, estime Jack Arthaud, ancien directeur général, de 2010 à 2017, de l’Établissement public foncier et d’aménagement de la Guyane (EPFAG), qui rencontrait, le 5 octobre à Paris, les membres de l’Ajibat. Un petit-déjeuner préparatoire au voyage d’études, organisé du 10 au 17 novembre en Guyane, à l’occasion duquel Jack Arthaud, désormais directeur général de l’EPA de Saint-Étienne – il nous invite à lui rendre visite… –, a donné quelques clés de lecture et son point de vue.
La population de la Guyane est passée de 30 000 habitants en 1966, à 278 000 en 2016 et devrait atteindre 574 000 personnes en 2040, estiment les démographes. Ce développement est lié à la création du Centre spatial de Kourou, puis à une forte natalité et à d’importantes arrivées de populations en provenance du Surinam et du Brésil voisin mais aussi d’Haïti.
Difficile dans ce contexte pour l’État de répondre aux besoins, notamment en logements, alors qu’il faut respecter, comme en métropole, d’importantes normes de construction. « On doit prévoir trois prises d’électricité par chambre alors que parfois il n’y a pas d’électricité. » indique-t-il à titre d’exemple.
Face au manque de production – « on est dans le rattrapage perpétuel » –, les constructions sans permis se sont donc multipliées. Sur certains territoires, « 80 à 90 % des constructions sont illégales », estime-t-il, les habitants n’hésitant pas à construire sur du foncier appartenant à l’État et à des propriétaires privés. Le territoire guyanais est certes important mais seule la bande côtière est aménageable. « Il y a vingt ans, l’État octroyait encore beaucoup de concessions foncières gratuites », rappelle-t-il, précisant que l’un des plus grands propriétaires fonciers d’Europe est d’ailleurs guyanais.
À la fin des années 1990, l’EPFAG s’est vu confier la gestion de ces concessions. À partir de 2009, il a débuté des missions d’aménagement et a créé une première ZAC. Il est aujourd’hui en charge de la première Opération d’intérêt national ultra marine multi sites, l’État espérant, grâce à cet outil, rattraper le retard de construction.
« Mais il y a un choc en Guyane : la confrontation entre l’urbanisme de planification et l’urbanisme d’occupation », l’auto construction illégale étant de loin le mode de production le plus important, souligne Jack Arthaud. Selon lui, au niveau du foncier, l’État ne sait pas gérer le passé. Aujourd’hui, il y a une rente foncière issue de ce passé. L’État rachète à prix d’or des terrains qu’il avait donnés. « Comment expliquer aux nouvelles générations que la rente foncière c’est fini ? », interroge-t-il.
Alors, quelles sont les solutions pour intensifier la production de logements ?
Selon l’ex-dg de l’EPFAG, il faudrait être plus souple sur les procédures et les normes en matière d’aménagement, d’urbanisme et de construction. À l’image de ce que d’autres pays – confrontés également à des constructions illégales –, ont mis en place. C’est notamment ce qu’a fait le Brésil voisin, indique-t-il à titre d’exemple.
Autant de points sur lesquels ne manquera pas d’enquêter la dream teamde l’Ajibat, sur le terrain, du 10 au 17 novembre.
CR rédigé par MV